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samedi 16 février 2013

Paris, ville mondiale



Deux fois par an, Paris voit converger des journalistes et des clients du monde entier pour la semaine de la mode haute couture. Même si Milan ou New York s’affirment, Paris est la seule métropole avec Londres à accueillir une « fashion week » consacrée à la haute couture, ce qui en fait la capitale de la mode. Dans le même temps, l’agglomération constitue le plus important foyer de population immigrée de France et s’affirme comme un centre d’innovation à l’échelle mondiale. Paris est incontestablement une ville mondiale. Nous étudierons les caractéristiques qui justifient une telle affirmation en prenant en compte son insertion dans les réseaux de la mondialisation, les facteurs de sa puissance ainsi que les défis et problèmes auxquels elle est confrontée.

I) Paris fait partie de l’archipel métropolitain mondial.

Elle constitue un des centres de l’économie mondiale. Elle attire également sur les plans culturels et migratoires. Paris offre, à l’échelle mondiale, une des plus fortes concentrations de sièges sociaux d’entreprises qui sont parmi les 500 premières du monde (deuxième rang derrière Tokyo). Certains de ces établissements sont très visibles à l’image de la Tour Total dans le quartier d’affaires de Paris-la Défense qui se singularise par une concentration unique en France de gratte-ciel. Cette physionomie le rapproche de l’architecture des autres métropoles mondiales, y compris Londres. Il est en pleine expansion : 8 nouvelles tours devraient voir le jour entre 2013 et 2016. Ce quartier, situé sur les communes de Nanterre, Puteaux et Courbevoie, compte plus de 3 millions de m² de bureaux et les sièges sociaux de 15 des 50 premières entreprises mondiales. La Défense est le principal centre de décision économique français et attire fortement les IDE étrangers, ce qui en fait un centre important à l’échelle mondiale. Près de 115 000 personnes y travaillent, notamment dans les services aux entreprises (40 % des salariés du quartier), dans la finance (27 %) et l’intermédiation financière (16 %). Les activités de direction ou de tutelle liées à la possession ou au contrôle du capital social emploient 11 % des salariés (contre 2,1 % en Île de France). Au total, la région Île-de-France concentre plus de 50 millions de m² de bureaux contre 43 millions pour Londres. Paris est la deuxième place financière européenne. La Bourse de Paris est associée à celle de New York, de Bruxelles et d’Amsterdam : l’ensemble constitue NYSE-Euronext. Parallèlement, Paris concentre des établissements de recherche et de formation de grande renommée internationale qu’il s’agisse de l’École normale supérieure, de l’École polytechnique, d’HEC ou de l’Université de Paris-Sud (Orsay). Alliés à des centres de recherche privés ou publics et à des entreprises, ils permettent à Paris d’être, selon l’agence australienne 2thinknow, la deuxième ville mondiale la plus innovante et la plus créative après Boston et devant Amsterdam. L’agglomération parisienne abrite plusieurs clusters orientés vers la recherche-développement, à l’image des pôles de compétitivité mondiaux, tels que Medicen Paris Région ou Finance Innovation, ou des pôles à vocation mondiale comme Mov’éo ou Cap Digital. L’influence parisienne ne se limite pas à l’aspect économique, elle concerne également la culture et les aspects institutionnels. Paris est un important pôle de création artistique, qu’il s’agisse de mode, de design ou d’événementiel. C’est à Paris qu’ont été lancées les premières opérations de Paris-plage (initiée depuis à Tokyo, Bruxelles, Prague ou Berlin) ou de Nuit blanche « reprise » à Madrid, Miami, Bucarest ou Montréal. À cela s’ajoute une concentration patrimoniale de premier plan : monuments historiques, musées (dont le Louvre, le premier musée du monde fréquenté par plus de 8,3 millions de visiteurs en 2009 dont 64 % d’étrangers) et restaurants. Ces éléments expliquent que Paris soit une des villes les plus visitées au monde par les touristes étrangers qui viennent admirer aussi bien Notre-Dame que la Joconde ou la Tour Eiffel tout en recherchant l’« art de vie » parisien : café sur une terrasse, brasserie, restaurant gastronomique, promenade sur la Seine (bateau mouche) ou sur ses berges. Paris est un centre de pouvoir politique et institutionnel : elle abrite les sièges de l’UNESCO et de l’OCDE – ce qui se traduit par la présence de nombreux hauts-fonctionnaires étrangers. Cet ensemble attire une large population qu’il s’agisse de touristes ou de migrants. Les profils sont variés tant sur le plan de la qualification que des origines géographiques. Paris compte plusieurs quartiers « ethniques » qu’il s’agisse du quartier chinois (entre le boulevard Masséna et les avenues de Choisy et d’Ivry), du quartier indien (autour de la rue du faubourg St-Denis et de la rue Louis Blanc), du quartier tamoul à proximité de La Chapelle, etc. où de St-Germain en Laye où le lycée international, conçu à l’origine pour la scolarisation des enfants du personnel de l’OTAN, attire une population de cadres étrangers. Le profil des touristes est un peu moins varié : la plupart sont issus des pays développés à économie de marché. Ils viennent à Paris au titre du tourisme d’affaires (Paris, grâce à son infrastructure hôtelière, à ses atouts culturels ainsi qu’aux infrastructures d’accès, à la présence de deux parcs d’exposition – Paris Expo à la porte de Versailles et Paris Nord Villepinte, à proximité de l’aéroport Paris-Charles de Gaulle – et de nombreuses salles de réunions, est le premier centre mondial pour l’accueil de congrès internationaux) ou de loisirs (Paris est alors, surtout pour les touristes américains et asiatiques, souvent une « porte d’entrée » avant de visiter d’autres sites européens. Ces performances de Paris, qui en font une ville mondiale, sont liées à de nombreux atouts.

II) Le statut de ville mondiale de Paris est lié à des paramètres tant historiques que fonctionnels qui font de Paris une capitale puissante et bien intégrée dans les dynamiques mondiales.

Avant d’être une ville mondiale, Paris est la capitale d’un État où la centralisation politique et économique a été très forte. À la différence de l’Allemagne, le réseau urbain français est marqué par une très forte macrocéphalie qui se traduit par une exceptionnelle concentration de lieux de pouvoirs politique et économique à Paris. Il y a certes eu des tentatives de déconcentration mais celles-ci sont aujourd’hui abandonnées afin de ne pas affaiblir Paris face à ses concurrentes. La métropole parisienne dispose de très importants relais (Lyon, Lille, Marseille…) et sert souvent d’interface entre les métropoles de province à vocation plutôt européennes (les entreprises parisiennes ont de nombreux sous-traitants établis en province, notamment dans les métropoles) et l’espace mondial. Les possibilités de synergie tant entre les acteurs de la capitale qu’avec ceux implantés en dehors (mais qui sont facilement accessibles en raison des infrastructures disponibles à Paris) sont maximales et renforcent l’attractivité car le retour sur investissement dans le domaine de la recherche-développement est maximisé. La force du pôle parisien est telle qu’elle compense en partie la situation en dehors de la mégalopole européenne, qui s’étend de Londres à Milan en passant par Francfort. Paris offre également une concentration exceptionnelle de main-d’oeuvre (près de 20 % de la population active occupée de la France métropolitaine) aux profils variés : un tiers des actifs franciliens ont un niveau de formation élevé, c’est-à-dire relevant du supérieur (ce qui est également le cas à Londres ou dans la Randstad) et un tiers a un niveau de formation correspondant au collège (ces derniers sont moins nombreux à Londres – 19 % – peut-être en raison d’un coût de la vie plus élevé). Cette situation est liée à la présence d’établissements de formation de haut niveau et d’entreprises qui recherchent du personnel très qualifié, dans le même temps, les services à la personne recrutent beaucoup de personnes peu qualifiées. Paris est également un important bassin de consommateurs dont le pouvoir d’achat est élevé. Ce pôle est d’autant plus important qu’il s’étend en dehors de la région Île-de-France en tant que telle (Paris est la première destination de travail des habitants de Rouen, Amiens ou Orléans en dehors de leur zone d’emploi), en raison de la bonne accessibilité de l’agglomération parisienne. L’accessibilité dont bénéficie Paris est excellente. À l’échelle locale, les transports en commun forment un des réseaux les plus denses du monde et sont complétés par un système routier développé et marqué par deux rocades de contournement qui facilitent le déplacement de banlieue à banlieue (même si elles ne sont pas totalement achevées). À plus petite échelle, Paris bénéficie d’une des meilleures dessertes. L’aéroport de Paris-Charles de Gaulle est la première plate-forme de l’Europe continentale et se place au 6e mondial pour le trafic des passagers, le Bourget est le premier aéroport d’affaires d’Europe. À cela s’ajoutent, pour la desserte européenne, les réseaux autoroutiers et TGV qui font de Paris la métropole européenne dont l’accessibilité est la meilleure : elle se place devant Londres lorsqu’on envisage le nombre d’allers-retours vers d’autres métropoles possibles dans la journée. Cette situation est renforcée par les télécommunications : l’Île-de-France est actuellement la région la plus favorisée en France tant en ce qui concerne le haut débit que le très haut débit. Cependant, la fonction de ville mondiale de Paris et ses caractéristiques ne sont pas sans poser des problèmes.

III) L’agglomération parisienne, afin de maintenir sa position de ville mondiale, doit relever des défis d’ordre socio-économique, fonctionnel et politique.

Ceci est un impératif pour une métropole soumise à la concurrence d’autres métropoles puissantes et proches, à l’image de Londres qui a d’ailleurs battu Paris pour l’accueil des JO de 2012 et qui dispose d’atouts solides comme la City, une très bonne accessibilité, l’intégration dans la mégalopole européenne et la pratique généralisée de l’anglais (« lingua franca » de la mondialisation). Face à cela, l’agglomération parisienne doit principalement offrir une meilleure unité. Les disparités socio-économiques sont en effet importantes au sein de l’agglomération et au sein même de la ville de Paris. À Paris, les bas revenus sont proches de ce qu’ils sont dans les autres départements, mais le niveau de vie des plus riches est plus de 5 fois supérieur à celui des plus modestes, soit 1,8 fois le rapport moyen national. De plus, le foncier et les logements, en partie sous l’effet de la mondialisation qui attire à Paris toujours plus de population et d’acteurs économiques, sont devenus de plus en plus chers : plus de 7 500 euros, en moyenne, le m² à Paris, ce qui rend la ville inaccessible à beaucoup, y compris aux classes moyennes. Il n’y a plus de renouvellement social et une fragmentation socio-spatiale s’affirme entre des zones en graves difficultés comme les zones urbaines sensibles (qui sont présentes aussi dans la commune de Paris) et des zones où les revenus progressent comme dans beaucoup de communes de l’ouest parisien. La division est d’autant plus sensible qu’en raison de la disjonction fonctionnelle et du polycentrisme, les populations de qualification différentes se côtoient de moins en moins sur leur lieu de travail. Si certains à l’image de l’actuaire travaillant dans un grand groupe d’assurance ou du publiciste d’un groupe tel Publicis perçoivent directement l’intégration de Paris au sein de l’AMM (travail en lien avec des marchés étrangers, hauts revenus, voyages à l’étranger, pratique régulière d’au moins une langue étrangère…), une large partie de la population de l’agglomération n’en perçoit guère les conséquences. À ces disparités socio-économiques s’ajoutent des spécialisations fonctionnelles liées au polycentrisme qui existe tant au sein de la commune de Paris, où on distingue deux quartiers d’affaires (Bourse/Opéra/ Champs Élysées et Bercy/gare de Lyon), le quartier universitaire et culturel (le quartier latin autour de la Sorbonne), le coeur politique (Élysée, Assemblée nationale, Sénat, Matignon), qu’au sein de l’agglomération (quartier d’affaires de la Défense, pôle de recherche-développement de Saclay et de Paris Est, centre productif de la plaine Saint-Denis, espace logistique de Paris-Charles de Gaulle, espaces de loisirs de Marne-la-Vallée…). Cet ensemble impose de faire évoluer la gestion de l’agglomération afin de mieux unir les composantes en développant les transports en commun dans un souci de développement durable. Cela se marque dans le projet d’amélioration de la desserte de l’aéroport Paris ou encore dans la construction d’Arc Express, métro automatique destiné à relier les périphéries entre elles. Sur le plan de la gouvernance, la métropole doit disposer d’une autorité commune. Ces initiatives sont regroupées au sein du projet du « Grand Paris » qui divise cependant les acteurs, notamment l’État et la Région, quant aux scénarios à privilégier et aux modes de financement. Si Paris attire par son patrimoine historique et culturel, elle doit éviter de devenir une ville-musée figée et emprisonnée dans des clichés tels que ceux valorisés par le cinéma américain. Comme le rappelle un article du Monde de janvier 2011 « Aujourd’hui, Paris reste avant tout un décor pour les cinéastes américains comme à l’habitude pour ses restaurants et ses appartements haussmanniens ». Le dernier film de Woody Allen, Midnight in Paris, en est l’illustration parfaite avec ses scènes au musée Rodin, aux terrasses de café, sur les berges de la Seine… Or les villes mondiales sont les lieux de l’innovation, y compris architecturale : des villes qui aspirent à se faire connaître font appel à des architectes de renom. Ainsi en est-il de Bilbao qui a tout fait pour accueillir l’antenne européenne du Musée Guggenheim dont le bâtiment futuriste a été construit par Frank Gehry. C’est en partie pour cela mais aussi pour réduire la pression foncière et répondre aux attentes du développement durable que Paris a autorisé, depuis novembre 2010, la construction de tours d’habitation (jusqu’à 50 m) et de bureaux (jusqu’à 180 m.). C’est dans cette perspective que l’innovation est encouragée ce dont témoignent les territoires de projet du « Grand Paris » : 10 pôles, dont le plateau de Saclay, Est parisien cité Descartes, la Défense ou Confluence Seine-Oise, qui s’appuient sur des politiques publiques telles que les pôles de compétitivité, la politique de rénovation urbaine ou le Plan Campus afin de renforcer leurs performances et de mieux affronter la concurrence mondiale. Ces évolutions sont promues à l’étranger, notamment par le biais de l’action de l’Agence régionale de développement Paris-Île-de-France. La concentration de population et d’activités économiques, politiques et culturelles de premier plan rend Paris extrêmement vulnérable aux risques, qu’il s’agisse de terrorisme ou d’inondation. Les dommages d’une crue centennale telle que celle de 1910 sont évalués à 12 milliards d’euros et n’affecteraient pas que les zones directement inondées. En effet, le pôle d’affaires de la Défense, qui n’est pas en zone inondable, serait quasiment inaccessible en raison de la fermeture des lignes 1 du métro et A du RER et de la coupure de nombreuses voies d’accès. L’activité des entreprises serait alors considérablement ralentie ; ce serait alors une large partie du pays qui serait touchée. Le statut de ville mondiale pourrait être remis en cause par le transfert d’une partie de l’activité économique vers d’autres métropoles. La prévention et la résilience sont encore à développer et à améliorer.

Paris est une ville mondiale qui est inscrite au sein de l’archipel métropolitain mondial. Moins développée que New York ou Tokyo sur le plan économique, elle est cependant un centre économique et politique de première importance et offre un patrimoine historique et culturel unique au monde. De plus, elle est très accessible. Certes, elle est moins cosmopolite que New York ou Londres, mais l’est beaucoup plus que Tokyo. Cet ensemble lui permet d’affronter la concurrence mondiale mais lui impose aussi d’évoluer constamment afin d’améliorer ses points faibles que sont notamment la fragmentation socio-économique et le manque de gouvernance à l’échelle métropolitaine.


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